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Devold : les pionniers du pullover

Günter Kast, mardi, 23. mars 2021

Imaginés en Norvège, fabriqués en Lituanie, prisés en Suisse, les vêtements fonctionnels en laine mérinos issus de l’entreprise traditionnelle Devold garantissent une production dénuée de toute souffrance pour les moutons.

Imaginés en Norvège, fabriqués en Lituanie, prisés en Suisse, les vêtements fonctionnels en laine mérinos issus de l’entreprise traditionnelle Devold garantissent une production dénuée de toute souffrance pour les moutons.

La laine est LA fibre idéale », s’enthousiasme Ueli Arnold, directeur d’ACE alpine & climbing equipment AG à Amden (SG). Et il sait de quoi il parle car, en plus d’être l’importateur général suisse du spécialiste norvégien de la laine Devold, il est guide de montagne. Dans le cadre de cette dernière fonction, il a l’occasion de tester, durant une partie de l’année, des vêtements fonctionnels sous toutes leurs coutures. Selon Arnold, premièrement, la laine de mouton, naturellement antibactérienne, évite les mauvaises odeurs qui se forment rapidement. Deuxièmement, elle régule la température corporelle, ce qui signifie qu’elle réchauffe en hiver et rafraîchit en été. Troisièmement, la laine ne colle pas et peut absorber un tiers de son propre poids en humidité sans qu’on ne se sente mouillé. Quatrièmement, ce matériau respectueux de l’environnement génère moins de microplastiques que les fibres synthétiques, sans oublier qu’il ne doit pas être lavé aussi souvent grâce à ses propriétés autonettoyantes. En outre, au terme de sa vie, il est biodégradable. Cinquièmement, la laine tient encore chaud lorsqu’elle est mouillée. Sixièmement, elle garantit un microclimat sain pour la peau et peut même soulager l’eczéma. Septièmement, elle constitue une protection solaire naturelle puisqu’elle bloque les rayons UV.

Sept à zéro ! Victoire écrasante pour la laine ! Tout cela est-il trop beau pour être vrai ? « Il y a un petit bémol », confirme Arnold. « Mais Devold a su transformer ce bémol en avantage concurrentiel, pour le bien-être des moutons. » Dans un premier temps, il ne veut pas nous en révéler davantage. Lorsque Ole Andreas Devold crée une fabrique textile en 1853 à Ålesund, la protection des animaux n’est pas encore à l’ordre du jour. Le jeune entrepreneur vient d’effectuer quatre ans d’apprentissage en Allemagne. Il revient sur la rude côte ouest de la Norvège, emmenant avec lui, outre une foule d’idées, l’une des machines à tricoter mécaniques les plus modernes de son époque. Son modèle commercial est le suivant : équiper les pêcheurs et les dockers de son pays natal avec de robustes vêtements en laine pour les accompagner dans leurs tâches difficiles. Rapidement devenu un bestseller, le pull norvégien de Devold incarne quasiment une sorte de symbole national, un classique scandinave par excellence. Il fait encore partie de l’assortiment actuel.


Innovante époque fondatrice

Des gants et des bonnets rejoignent bientôt le fameux pull. Les affaires sont florissantes. Malgré son succès, Devold, le visionnaire, en veut plus. Il achète donc, en 1868, l’île Sula, située non loin, où il fait tourner ses machines à tricoter à l’énergie hydraulique à Langevåg. Plus tard, il y fera construire la première centrale électrique de Norvège.


« Dans une émission de télé actuelle du genre de "Qui veut être mon associé ?", Devold aurait vraiment cartonné », estime Oliver Stöckli, actif chez ACE pour Devold dans le service externe. « Il avait toujours une longueur d’avance. » L’une des premières lignes téléphoniques du pays relie sa fabrique aux bureaux de vente sur le port. Edison a à peine le temps d’inventer l’ampoule électrique que Devold travaille déjà avec des lampes électriques.


Respectueux des moutons

Le fondateur de l’entreprise est également un employeur social. À Sula, il fait construire des logements, une église, un hôpital et un jardin d’enfants. Dans la distribution également, il sonde de nouvelles voies : afin de pouvoir approvisionner en vêtements en laine les villages de pêche côtiers coupés du monde, il envoie le bateau à vapeur Thorolf, avec des vendeurs à son bord, afin de relier les frontières suédoise et russe. « On pourrait presque dire qu’il s’agissait d’une forme précoce de voyage promotionnel », déclare Stöckli dans un clin d’œil. Pourtant, Monsieur Devold n’aurait jamais osé vendre de la camelote à bas prix. « Il a toujours su convaincre par la qualité », complète Arnold. À tel point que des aventuriers célèbres misaient sur ses produits. En 1888, Fridtjof Nansen a traversé l’inlandsis du Groenland en portant un épais pull Devold sous une veste encore plus épaisse. Deux bonnes décennies plus tard, Roald Amundsen, vêtu des lainages Devold, parvient même à atteindre le pôle Sud. Les successeurs modernes de ces pionniers, tels que Cecilie Skøg (ascension du K2 et première traversée de l’Antarctique sans assistance) ou Børge Ousland (premier tour de l’Arctique en un seul été), font également confiance aux produits en laine de leurs compatriotes.


En fin de compte, il s’agit d’une success story unique, dont le fondateur, décédé en 1892, serait probablement très fier. Aujourd’hui, l’entreprise familiale équipe certainement plus de sportifs outdoor que de pêcheurs, bien que les vêtements de travail ininflammables constituent toujours l’un des piliers de l’entreprise. En revanche, la laine ne provient plus d’animaux indigènes, mais de moutons mérinos. Cette race originaire d’Afrique du Sud ne supporterait pas bien le climat froid et humide de la Norvège. C’est là qu’intervient le bémol mentionné plus haut par Arnold. En effet, en raison de l’importation nécessaire de laine mérinos, l’affaire se complique, surtout lorsqu’on a le niveau d’exigence de Devold en matière de protection animale, de durabilité et de qualité.

Pourtant, il existe des alternatives, à l’instar du traitement des moutons avec des insecticides, de la taille de la laine dans les zones sensibles plusieurs fois par année ou encore de l’élevage d’animaux présentant des plis cutanés moins marqués. Malheureusement, ces alternatives sont complexes et coûteuses. C’est la raison pour laquelle neuf éleveurs australiens sur dix, calculé avec prudence, pratiquent le mulesing. 90 pour cent ! Ce chiffre est d’autant plus effrayant lorsqu’on sait que 88 pour cent de la laine mérinos produite dans le monde émane d’Australie. Les douze pour cent restants sont répartis, à parts égales, entre la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et l’Argentine. « Les vêtements outdoor en laine mérinos ont la cote ; pourtant, beaucoup de gens ignorent tout de la souffrance des moutons », explique Stöckli. « Heureusement, il existe des marques, comme Devold, qui font les choses un peu mieux. »


Contrôle des chaînes

Or, la bonne volonté ne suffit pas. Nombre de fabricants ne savent pas d’où provient leur laine. Les chaînes d’approvisionnement, aussi longues que complexes, manquent de transparence. C’est la raison pour laquelle Devold contrôle l’ensemble du processus de création de valeur de ses produits. Les Norvégiens achètent de la laine non traitée dans une sélection de fermes en Australie, Nouvelle-Zélande et Argentine, avant de la traiter eux-mêmes. « La stratégie de qualité Sheep-to-Shop garantit un maximum de transparence, allant de la tonte des moutons au design et à la conception, en passant par le peignage, le filage, la teinture et la couture », précise Stöckli. Depuis 2015, la marque norvégienne réalise ces étapes dans sa propre fabrique en Lituanie. « Certes, l’Extrême-Orient est meilleur marché, mais la communication, la logistique et le contrôle qualité sont plus faciles en Europe, au cœur du marché cible. ». La laine est tricotée, compactée et teinte à l’aide de machines spéciales. Ensuite, les dessins des designers sont découpés dans les pièces de tissus, en essayant d’éviter un maximum de perte. « C’est un peu comme fabriquer à l’emporte-pièce des biscuits de Nöel XXL. » L’étape suivante se déroule comme au temps d’Ole Andreas Devold : plus de cent couturières assemblent les tissus, avec rapidité et précision, pour en faire des couches de base, des couches intermédiaires et des pulls. « La tâche est si complexe qu’elle ne peut pas être réalisée par une machine », souligne Stöckli.


Devold a ainsi fabriqué quelques produits phares, comme le Tuvegga notamment, une couche de base réversible en laine mérinos qui a remporté l’ISPO Award en 2018. Un des côtés de ce vêtement intelligent présente une surface plate d’une grande respirabilité, tandis que l’autre côté se compose d’une structure 3D équipée de canaux d’air offrant une isolation supplémentaire. L’avantage : les pantalons et chemises s’adaptent à différentes disciplines sportives intensives et aux températures extérieures changeantes. Le fondateur de Devold en aurait probablement été très satisfait. À Langevåg, où un petit musée jouxte le siège de l’entreprise, on a l’impression que son esprit est toujours là.

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