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Grand final

Kim Strom, jeudi, 01. avril 2021

Le meilleur pour la fin : lorsque l’enneigement devient moins bon à basse altitude, les conditions sont idéales pour le ski de randonnée en haute montagne. Et pour terminer la saison en beauté, quoi de mieux qu’un quatre mille, comme le Bishorn ?

En ski de randonnée, l’important n’est pas le ski », crie Dan pour se faire entendre par-dessus le vacarme de nos skis sur la couche de neige dure et gelée. « L’as-tu remarqué avec le temps ? » C’est en effet une bonne chose que nous ne soyons pas venus sur le Bishorn pour la poudreuse. Dans la descente vers Zinal, nous glissons tout d’abord sur des vagues de glace, puis passons dans de la neige croûtée avant d’arriver, plus bas, sur une masse qui s’assimilerait plutôt à du ciment. Bien que l’on trouve encore de la neige en grande quantité, la poudreuse que nous aimons tant a disparu.

Le Bishorn est l’un des quatre mille des Alpes les plus faciles à gravir. Bien qu’on le surnome parfois ironiquement le « quatre mille des dames » en allemand, les randonneurs à ski qu’on y rencontre sont presque exclusivement masculins. Trois jours plus tôt, nous sommes à Saint-Luc, dans le Val d’Anniviers. Notre course de trois jours nous a mènera à Zinal – en passant par la Turtmannhütte et la cabane de Tracuit, plus accueillante l’une que l’autre – et deux sommets élevés, le Brunegghorn (3833 m) et le Bishorn (4153 m). Un cadre idéal pour le dernier weekend de notre saison de ski de randonnée.


Des arbalètes et un tout vieux téléski nous aident à parcourir les premiers mètres de dénivelé. Seul problème : je n’ai plus utilisé de téléski depuis que je possède des peaux de phoque et je crains qu’il ne s’agisse pour moi de la partie la plus difficile de la course. Tandis que je m’agrippe à l’arbalète, je me souviens pourquoi je n’ai jamais beaucoup aimé les stations de ski. Celles-ci me rappellent mon apprentissage du ski, mes nombreuses chutes et les pistes bondées. Je préfère le ski de randonnée, car cela nous laisse plus de temps : le temps de trouver son rythme, de rire avec ses amis, de transpirer, d’admirer la région. Et plus besoin d’avoir peur de tomber du remonte-pente ou d’attraper des crampes dans les cuisses sur les assiettes. Mais au vu du long dénivelé qui nous attend, je ne regrette pas cette solution.

Nous arrivons rapidement à la Bella Tola et quittons le téléski ainsi que la zone des pistes. Nous traversons l’arête et délaissons le Val d’Anniviers pour rejoindre le Turtmanntal, plus tranquille et presque abandonné à l’entre-saison. Une fantastique descente sur une neige parfaite, une longue traversée au-dessus de la vallée et une montée facile nous mènent à la Turtmannhütte. Depuis la terrasse ensoleillée, nous apercevons les deux sommets que nous prévoyons de gravir. En attendant, nous nous délectons de cette perspective durant tout un après-midi, en gardant tout de même à l’esprit qu’il n’y a aucune échappatoire rapide. Depuis ici, la course nécessite une grande endurance.


Du chaud, du froid et du gâteau

La Turtmannhütte est déjà ouverte depuis trois semaines, mais les premiers jours ont été plutôt calmes en raison du mauvais temps. Magdalena Tscherrig, la gardienne, dépose un seau au soleil pour faire fondre la neige qui se trouve à l’intérieur. Elle nous révèle que c’est le premier jour qu’elle reçoit des clients qui prévoient de gravir le Bishorn. Avec une efficacité redoutable, elle décore sa fameuse tourte Forêt-Noire, prépare le souper et fait tourner la boutique. Nos ventres bientôt remplis, nous discutons, dans le cliquetis des couverts, de notre stratégie pour échapper à la chaleur annoncée pour le lendemain.


Nous décidons de partir tôt. Sous un ciel étoilé d’un noir encore profond, nous faisons notre trace en direction du Brunegghorn. 1300 mètres de dénivelé sur le glacier nous attendent. Bien que la matinée soit plus froide que prévu, la neige ne mettra pas beaucoup de temps à se ramollir. Dans le vent glacial et mordant, je me réjouis de la chaleur de midi, même si je sais déjà que nous nous en plaindrons le moment venu. Nous déposons les skis sous le Brunegghorn, fixons nos crampons et montons les derniers 200 mètres sur une rampe gelée et balayée par le vent. La vue grandiose sur le Mattertal et les nombreux quatre mille vaut absolument le détour jusqu’au sommet. Il est désormais temps de ranger les peaux. Dans une neige parfaite, la gigantesque masse du Bishorn, que nous parcourerons demain, s’élève au-dessus de nous. Sans gros efforts, nous glissons et traçons des virages en nous égosillant jusqu’en bas du Brunneggletscher. Là où le glacier cesse de descendre, nous remettons les peaux pour notre ultime montée vers la cabane de Tracuit. Sur les derniers mètres, le soleil nous brûle, la neige humide colle à nos peaux et chacun de nous est plongé dans ses réflexions. Bien que la montée soit courte, chaque conversion nous donne l’impression d’être un steak que l’on retournerait sur le gril. Nous regrettons presque le vent glacial du matin. Puis nous atteignons enfin la cabane, un imposant cube moderne à 3256 mètres, fait de métal et de verre. Par les fenêtres massives du réfectoire, on jouit d’une vue extraordinaire sur les Alpes, et la cabane dispose même d’une grande terrasse ensoleillée. Parfait pour déguster une part de gâteau bien méritée en attendant le souper. La cabane semble bien occupée en ce week-end ensoleillé. Pourtant, elle n’accueille qu’un millier de randonneurs à ski durant le printemps. À la saison estivale, bien plus vivante, quelque 5000 randonneurs et alpinistes y viennent.


La barrière de rösti a été franchie quelque part entre la Turtmannhütte et la cabane de Tracuit. Une certaine confusion règne le lendemain matin devant la cabane. Le contrôle des DVA, la fixation des baudriers et le montage des peaux ont lieu dans un joli méli-mélo de langues. Une longue file de randonneurs à ski s’est déjà formée vide d’un côté et dans une zone de crevasses de l’autre. Le départ évoque une tôle ondulée glacée qui secoue tellement que le piolet d’un randonneur à ski tombe de son sac. La freerideuse Susanne montre ce qu’elle a dans le ventre. Elle adore tout ce qui est rapide, raide et technique. Nous autres préférons la neige revenue entre la cabane et le Bishorn. Ce quatre mille accessible à ski peut aussi être directement atteint depuis Zinal, ce qui rend cette course très populaire. Mais notre rapprochement avec le Bishorn via le Brunegghorn et les glaciers menant à la cabane de Tracuit la veille nous ont rendu ce sommet encore plus spécial, car nous lui avons quasiment tourné autour.


Descente sur tôle ondulée

Les 900 mètres de dénivelé nous mènent rapidement sur la large rampe du Turtmanngletscher jusqu’à un dépôt de skis, un peu en dessous du sommet du Bishorn. Au sommet, les grands sommets valaisans sont juste devant notre nez : le Zinalrothorn, la Dent Blanche, l’Obergabelhorn – et bien sûr le Weisshorn, sommet voisin dont l’arête nord commence directement sur le Bishorn.


Mais la vue plongeante sur la descente de 2500 mètres qui nous attend nous fascine encore plus. La neige sur la rampe sommitale ressemble à celle d’une piste de ski, à la différence près que cette piste-ci mène dans le qui nous attend au-dessus de la cabane de Tracuit où nous prenons une pause-café bienvenue. Par chance, les rayons du soleil font bientôt leur œuvre. Sur les derniers 1600 mètres de dénivelé, la neige ne cesse de changer et on trouve même un peu de poudreuse. Mais la quantité de neige nous importe plus que sa qualité, et celle-ci est suffisante jusque dans le village. Nous atteignons la vallée et parcourons le replat qui mène à Zinal en skating, le long de la Navisence. La saison n’aurait pas pu se terminer de plus belle façon : avec un final sur un authentique quatre mille. Nous échangeons nos chaussures de ski contre des tongs en souriant – mais pour quelques mois tout au plus !

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