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Grandes arêtes - Le Massif du Mont-Blanc

Jürg Buschor, vendredi, 07. avril 2017

Le massif du Mont-Blanc – pour les alpinistes, ce n’est pas seulement la place de jeux la plus haute d’Europe, mais surtout la plus diversifiée.

Le massif du Mont-Blanc - pour les alpinistes, il n'est pas seulement le plus haut terrain de jeu d'Europe, mais aussi le plus varié. Pas un jeu d'alpinisme qui ne soit impossible à pratiquer ici, presque pas un péché touristique qui n'ait déjà été commis ici. Et pourtant, il reste encore suffisamment de place pour l'essentiel : Des expériences dans un monde de montagne unique.

Nous aurions difficilement pu choisir un endroit encore plus idiot : Au-dessus de nous, un sérac haut comme une maison, à côté de moi, une crevasse si profonde qu'on pourrait y noyer un immeuble. C'est le milieu de la nuit et nous sommes sur le glacier de Charpoua. Et nous discutons. Sur le sens et l'absurdité de monter à l'Aiguille Verte par l'arête du Sans-Nom par des températures nocturnes de plus de zéro degré. Au bout d'une heure "ressentie" (en réalité, à peine dix minutes), nous poursuivons notre chemin, pour finalement faire demi-tour moins de 30 minutes plus tard. Un caillou de la taille d'un poing sur mon casque me donne la dernière impulsion pour annuler notre entreprise et attendre de meilleures conditions. En silence, nous repartons en file indienne

Nous ne voulons pas encore entrer dans la cabane de Charpoua, car le gardien et les quelques clients dorment encore. Le soleil se lève sur le Mont Blanc, en face, dans un rouge kitsch. Une journée grandiose commence et nous sommes de nouveau en bas au lieu d'être en haut. Était-ce vraiment la bonne décision de faire demi-tour ? Réchauffés par les premiers rayons de soleil, on a du mal à croire qu'il y a quelques heures à peine, nous avions les genoux mous au sommet. Mais la bosse sur le casque ainsi que l'égratignure sanglante sur mon sourcil en disent long : c'était la bonne décision, même si elle est particulièrement amère pour moi, puisque c'est la troisième fois que je dois faire demi-tour à l'Aiguille Verte. Cela fait longtemps que l'alpinisme dans le groupe du Mont-Blanc ne dépend plus seulement de la météo, mais surtout des conditions.

Deux mois plus tard, nous nous retrouvons à Chamonix. Pour ne pas revivre le même désastre qu'à l'Aiguille Verte, notre premier réflexe est de nous rendre à l'Office de Haute Montagne, le bureau local des guides. Avec des dizaines d'hommes et de femmes musclés et bien entraînés, nous regardons l'énorme maquette en plastique du groupe Mont-Blanc et jetons ensuite un coup d'œil aux carnets d'excursions mis à disposition.

Nous discutons de la suite de la planification autour d'un café dans le Café Nacional anglophone. Ensemble, nous voulons nous attaquer à quelques-unes des grandes arêtes des environs. Et il y en a ici, sur un espace restreint, plus que dans n'importe quel autre groupe de montagnes des Alpes : qu'il s'agisse de l'arête Kuffner, Rochefort, Teufels ou Peuterey, des noms que tout alpiniste connaît et que l'on n'ose prononcer qu'avec un sublime frisson. Nous discutons de la manière dont nous allons nous approcher de tous ces grands objectifs.


La possibilité A est certainement le téléphérique de l'Aiguille du Midi : de 1033 à 3842 m en 15 minutes, puis faire la queue à l'arête Cosmique, l'odeur de vomi toujours dans le nez ? Nous optons pour une autre possibilité, qui nous mènera demain au sud-ouest du Mont-Blanc, dans le Val Montjoie. Le sud-ouest est considéré comme l'un des coins les plus sauvages et les plus isolés du massif, aucun téléphérique ne permet même de s'approcher des montagnes. Nous mettons donc péniblement un pas derrière l'autre, la sueur coule - rien que pendant la montée vers le Refuge des Conscrits, 1400 mètres de dénivelé doivent être surmontés. Le chemin traverse d'abord la forêt et des alpages verdoyants, puis le glacier de Tré-la-Tête, de plus en plus caillouteux d'année en année, et pour finir, quelques échelles verticales à gravir. Ce dernier point semble devenir la marque de fabrique de tous les refuges de la région du Mont-Blanc, il n'y a guère d'accès au glacier qui ne passe pas par le métal pour atteindre la glace. Et la sueur, nous la voulions, c'est le prix d'entrée pour la solitude. Notre objectif est les Dômes de Miage, une montagne de 3669 m d'altitude. Le lendemain matin, lorsque nous atteignons l'Aiguille de la Berangère par des flancs de névé abrupts, les Dômes de Miage se dressent devant nous : une arête étirée de près de 2 km de long, jamais trop raide et nulle part coupante comme un rasoir, qui mène vers le nord-ouest en passant par plusieurs petits et grands sommets. Une randonnée parfaite pour se réhabituer à marcher avec des crampons et qui permet aussi de normaliser peu à peu la respiration haletante dans l'air raréfié. Après environ cinq heures d'arête, nous atteignons le refuge Durier, qui constitue le point de départ du véritable test de maturité pour les alpinistes d'arête dans la région du Mont-Blanc : l'Aiguille de Bionnassay. Ce "petit" sommet de 4000 m (4058 m) fait partie des très grandes arêtes des Alpes, sauf que peu de gens semblent le savoir. Le seul signe visible en est la taille du Refuge Durier, au pied de l'arête sud-ouest de la montagne : douze personnes à peine tiennent dans cette minuscule boîte en tôle.

Les premiers mètres de dénivelé mènent encore de manière relativement détendue vers la montagne, dans le cône de lumière des lampes frontales. La somnolence disparaît d'un coup lorsque nous atteignons une marche rocheuse presque verticale : d'abord à gauche, puis à droite de l'arête, nous grimpons une cheminée extrêmement aérienne, décharge d'adrénaline garantie. Et probablement aussi des doigts froids, car l'Aiguille de Bionnassay se trouve exactement dans l'ombre du Mont Blanc, de l'autre côté duquel le soleil s'est déjà levé depuis longtemps. Nous regardons avec envie les nuages modelés par les premiers rayons du soleil en dessous de nous - une vue d'avion. Après ces derniers mètres dans la roche, nous atteignons une structure qui nous coupe le souffle : Telle une gigantesque vague gelée, l'arête mène d'abord au point culminant de l'Aiguille de Bionnassay, puis traverse le Dôme du Goûter au Mont Blanc. Et nous sommes exactement sur la crête de cette vague blanche, comme un surfeur, sauf qu'ici, la chute menace soit dans la face nord, profonde de 1000 m, soit dans le flanc sud, à peine moins menaçant. Si l'on s'encorde ici, il est clair qu'en cas de chute, la seule solution est de sauter à temps sur l'autre versant. Parfois, l'arête est si étroite que nous n'osons l'emprunter qu'à califourchon. Après l'Aiguille de Bionnassay, nous nous sentons suffisamment en forme pour affronter quelques-unes des arêtes les plus connues du Mont-Blanc, même s'il est difficile d'imaginer quelque chose de plus exposé, du moins en glace. Mais en rocher, oui ! Et dans ce sens, il y a une arête qui fait partie des courses les plus célèbres des Alpes et qui, rien qu'en la voyant, fait rêver tous les auteurs de fantasy : l'arête du diable au Mont Blanc du Tacul ! Bien qu'elle ne soit cotée que V (selon l'UIAA), cette classique a tout de même réussi à faire partie de la sélection de Walter Pause "Im extremen Fels". "Nous nous trouvons définitivement dans une oasis de désordres ..." décrit-il à la vue de ces cinq aiguilles de granit, toutes à plus de 4000 m d'altitude. Le meilleur point de départ pour la traversée de ces aiguilles est le Rifugio Turino - un refuge qui, par sa taille et son activité, pourrait difficilement être plus à l'opposé des refuges que nous avons visités auparavant au glacier de Charpoua ou au pied de l'Aiguille de Bionnassay.

L'accès à l'Arête du Diable se fait par le Cirque Maudit, un amphithéâtre naturel qui laisse sans voix face à sa beauté sauvage : il est incroyable de voir comment des piliers de granit rouge-brun, serrés les uns contre les autres, s'élancent vers le ciel comme les colonnes d'une gigantesque cathédrale - un véritable temple de la montagne ! Et c'est précisément par la rangée de piliers de droite que nous mène l'arête du diable. Lorsque nous arrivons là-haut, il fait encore un froid glacial, le vent siffle. Et alors que je me demande encore si je vais mettre les chaussons d'escalade dans ces conditions, mes doigts sont tellement refroidis que je ne les sens presque plus. J'aurais dû changer de chaussons : Car cinq minutes plus tard, dans la fissure d'entrée à la Pointe Chaubert, j'aimerais à la fois des chaussons d'escalade et avoir urgemment plus de sensations. C'est "Raaaatsch" et pour la première fois de ma vie, je me retrouve accroché à une cale de coincement dans une fissure censée n'être cotée qu'en IV. Les doigts ont l'air d'avoir été passés au hachoir, du sang chaud s'écoule le long de la paroi. Peu de temps après, les chaussures sont changées et les doigts à nouveau chauds. Et puis, l'arête du diable est tout simplement amusante ! Avec les premiers rayons de soleil, nous grimpons la Pointe Médiane, nous nous étonnons peu de temps après d'une fenêtre rocheuse bizarre par laquelle nous devons nous faufiler, et nous nous étonnons à chacun des cinq rappels de la manière dont le vent nous fait osciller en suspension libre entre les tours. L'arête du diable - un vrai plaisir infernal!

Une FINALE GRANDE
Deux jours plus tard - nous sommes de nouveau dans le Cirque Maudit - nous nous tournons cette fois vers une arête qui représente peut-être la symbiose la plus parfaite entre le rocher et la glace dans la région du Mont-Blanc - l'arête Kuffner du Mont Maudit. Si je ne devais répéter qu'une seule arête ici, ce serait celle-ci ! Mais ce n'est qu'au deuxième coup d'œil que l'on comprend pourquoi, car la course ne brille pas tant par ses passages individuels spectaculaires que par un voyage globalement harmonieux à travers l'un des coins les plus sauvages des Alpes. Aucun piton ne facilite l'orientation et il ne faut pas non plus s'attendre à trouver une trace dans ce coin plutôt isolé du Mont-Blanc. Au lieu de cela, on manœuvre comme un marin pris dans la verticalité à travers une mer chaotique et agitée de roche et de glace : parfois, il faut se frayer un chemin à travers une cheminée, parfois il faut traverser une pente raide et glacée, et au milieu de tout cela, on se retrouve sur une corniche qui s'écrase sur tout comme une vague. Cette course effrénée se termine sur l'aiguille spectaculaire du Mont Maudit, à seulement une heure du point culminant de l'Europe. Mes compagnons de cordée se dirigent encore vers le plus haut sommet des Alpes, ils me parleront plus tard d'un sommet isolé. Moi-même, je suis encore tellement imprégné de l'expérience "Kuffnergrat" et de toutes les impressions des derniers jours que je n'en peux plus. Le Mont Blanc lui-même n'aurait fait que faire déborder le vase. Assez, c'est assez, les montagnes ne se sauvent pas. Et des arêtes, pour revenir, il y en a plus qu'assez ici, que ce soit l'arête Peuterey, l'arête Hirondelles ou bien sûr l'arête Sans-Nom à l'Aiguille Verte.

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