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Voies dures cachées dans la forêt

Dominik Oswald & Jonas Allemann, jeudi, 18. mars 2021

Forêts, collines. Rien de spectaculaire ? Au contraire ! le Jura bâlois a tout ce dont le sommet du coin a besoin selon Jonas Allemann. Et de chouettes voies d’escalade en calcaire en dehors des Alpes. Ah et puis : ces « mini sommets », qui ne demandent qu’à être découverts, inspirent même parfois le respect.

Forêts, collines. Rien de spectaculaire ? Au contraire ! le Jura bâlois a tout ce dont le sommet du coin a besoin selon Jonas Allemann. Et de chouettes voies d’escalade en calcaire en dehors des Alpes. Ah et puis : ces « mini sommets », qui ne demandent qu’à être découverts, inspirent même parfois le respect.

Au cours de mon travail dans le magasin Bächli de Bâle en tant que conseiller de montagne, j’aime bien échanger avec les clients sur leurs réalisations en montagne, ambitions et attentes. J’entends souvent qu’ils s’équipent pour aller grimper dans les Alpes. Alors parfois je demande pourquoi aller jusque dans les Alpes. Les clients répondent souvent : « Oui, mais où aller sinon ? » C’est alors que je leur parle du Jura bâlois.

Car il n’y a de loin pas QUE des collines et des forêts. C’est vrai qu’on doit parfois chercher un peu, car au printemps et en été les élévations sont souvent cachées dans le vert luxuriant de la forêt. Mais quand on y arrive, l’atmosphère est calme, fraîche, ça sent le printemps et les oiseaux chantent. Le rocher est compact et sec. En fait il est étonnant que très peu de grimpeurs bâlois connaissent le Jura bâlois pour ses sites d’escalade, on dirait même qu’ils les évitent. J’admets que l’évitement peut à la limite se comprendre : les cotations sont sévères. Même celui qui ailleurs grimpe du 6c, a bien des chances de devoir serrer les dents dans un des 5c de la région. La raison en est une erreur de traduction alors que les cotations alpines usuelles ont autrefois été remplacées par l’échelle de difficulté française. L’autre raison est qu’à l’époque de l’ouverture de ces sites dans les années 80 et 90, il régnait une sorte de « culture élitiste » dans le monde de l’escalade. Les grimpeurs bâlois voulaient que le Jura bâlois soit considéré comme une des régions les plus difficiles. Il ne fallait pas que les visiteurs qui venaient ici gagnent leurs lauriers trop facilement. Une fois la réputation établie, les meilleurs grimpeurs du monde sont venus y gratter le rocher. En 1986, au Chuenisberg, « Ravage » (8b+/c) est devenu la voie la plus dure du monde. De nos jours, le Jura bâlois a un peu disparu de la carte du monde des grimpeurs. Pourtant, l’été dernier, Alex Megos s’y est intéressé et a réalisé une multitude de voies difficiles. Pour « Im Reich des Shogun » (9a), qui a été réussie pour la première fois en 2001 par Eric Talmadge après treize ans de travail, Megos n’a eu besoin que de trois essais – par un jour de pluie. Adam Ondra avait eu besoin de cinq essais en 2005.


Se retirer dans la forêt

Le rocher du Jura bâlois est souvent exigeant techniquement, difficile à lire, l’adhérence est parfois fuyante et la solidité pas toujours à toute épreuve. Les parois sont parfois comme de grosses créatures en rocher qui se seraient retirées dans la forêt pour y vivre cachées et qui parfois se laissent approcher. Mais lorsque l’on a réussi à les apprivoiser, on peut d’un coup devenir les meilleurs amis du monde. C’est en tout cas ce qui m’est arrivé. Autrefois, j’allais souvent grimper au Tessin, voire encore plus loin. J’appartenais à ceux qui ne voient pas tout le potentiel qui se trouve à leur porte. Je savais bien qu’il était possible de grimper chez nous, mais je pensais qu’il s’agissait plutôt de quelques crapahutages sans réel intérêt. L’escalade dans le Jura a commencé lorsque les alpinistes se sont lassés de systématiquement se rendre jusque dans les Alpes et ont alors commencé à s’entraîner sur les rochers qu’ils trouvaient près de chez eux. Ils s’intéressaient alors essentiellement aux fissures et aux cheminées faciles. Faciles… faciles… c’est vite dit ! Je peux compter au moins cinq voies de ce type qui sont cotées dans le quatre ou le cinq – mais qui sont tout sauf faciles. Une fois dedans, on a des chances de bien suer. Et on se surprendra alors à penser qu’à l’époque ils n’avaient pas de semelles en caoutchouc haute performance comme nos chaussons d’escalade actuels. Et ils n’avaient pas de spits ! Les nombreux pitons rouillés des pionniers sont encore en partie présents. Chapeau bas à ceux qui ont grimpé ce genre de voie avec cet équipement.

Aujourd’hui je viens souvent et avec plaisir grimper sur les parois de la région, que ce soit le week-end ou après le travail. Il n’y a rien de mieux qu’une soirée d’escalade lorsque les parois sont illuminées par le soleil orangé du soir perçant la couverture végétale. Par exemple à Rappenfels. Ma voie préférée se nomme « Salut Phil » 8a+ ; très technique, sur de petites prises et demandant de l’endurance. C’est pour moi une des plus belles voies de tous le Jura. Avec « IG Klettern Basler Jura » les grimpeurs sont bien organisés. Pour que tout fonctionne au mieux nous restons en contact avec le canton, les associations de protection de la nature et les propriétaires, même si parfois les autorités locales n’apprécient pas trop que certaines parois soient grimpées et interdisent certains secteurs.

J’essaie de promouvoir l’escalade locale, notamment en assainissant les voies. Certains points d’assurage sont déjà là depuis plus de trente ans et sont colorés par la rouille. Parfois, j’aime mieux ne pas savoir à quelle profondeur ils sont réellement ancrés. Nous avons un très bon concept d’assainissement. Pratiquement toutes les voies actuelles sont réalisées avec des points scellés comme on en trouve régulièrement en France. On utilise très peu de gougeons combinés à des plaquettes. Lorsque j’assainis une voie, j’essaie si possible de discuter avec l’ouvreur : je ne voudrais en aucun cas modifier une voie en plaçant les points différemment. J’en oublie presque la raison pour laquelle de nombreuses personnes évitent le Jura bâlois ; la distance parfois conséquente entre les points. C’est aussi probablement un héritage de la culture élitiste. Mais personne ne devrait se laisser effrayer par ce point. L’escalade dans le Jura bâlois est aussi sûre que partout ailleurs. Partir à la rencontre de ces rochers gris dans la forêt dense peut même devenir addictif. Peu à peu la confiance s’installe et alors on se demande : pourquoi n’ai-je pas commencé à grimper ici plus tôt ?

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