Les avalanches ont-elles un rapport avec la culture ? À première vue, absolument pas. Contrairement à la nécessité, pour la population de montagne suisse, de gérer le danger d’avalanches. Au cours des siècles, cet impératif a poussé les populations de montagne à chercher des solutions créatives, lesquelles appartiennent aujourd’hui aux traditions culturelles de la Suisse. Parmi ces solutions, on trouve la construction d’ouvrages de protection, l’entraînement de chiens d’avalanche, l’organisation de mesures de premiers secours ou la culture de la mémoire en lien avec des catastrophes passées.
À la fin novembre, l’UNESCO a inscrit la gestion du danger d’avalanches sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. La candidature avait été soumise par la Suisse et l’Autriche. Pour la partie suisse, cette candidature est le fruit d’une collaboration entre l’Office fédéral de la culture, l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches SLF, le Club Alpin Suisse (CAS), l’Association suisse des guides de montagne (ASGM) et l’Office fédéral de l’environnement. « La collaboration réussie entre la Confédération, les cantons et les communes ainsi qu’avec le CAS, les guides de montagne et la recherche est tout à fait unique » souligne Jürg Schweizer, directeur de l’Institut SLF. Elle est exemplaire en ce qui concerne la gestion des avalanches : là aussi, il s’agit de faire participer autant que possible toutes les personnes concernées et de trouver conjointement des solutions.
Une tradition ancestrale
La population montagnarde vivant sur le territoire de la Suisse actuelle a commencé à développer des stratégies pour gérer le danger d’avalanches au Moyen-Âge déjà. Au début du XIXe siècle, on a installé des murs et des remblais de terre dans les zones de départ des avalanches afin d’éviter que les avalanches ne se déclenchent. La construction des grandes lignes ferroviaires a donné lieu à l’aménagement des premiers ouvrages paravalanches : afin que les trains puissent circuler à travers les Alpes durant l’hiver, on a construit des galeries, des tunnels et des ouvrages paravalanches. Les mesures de protection contre les avalanches ont été intensifiées après le terrible hiver de 1951, où quelque 1300 avalanches ont coûté la vie à une centaine de personnes. En réaction à cette catastrophe, les mesures suivantes ont été prises : élaboration de cartes de dangers, reboisement des forêts protectrices, aménagement d’ouvrages paravalanches sur de grandes surfaces et déclenchement artificiel régulier des avalanches. Fondé en 1942, le SLF a pris en main l’étude de la neige et des avalanches. La date de la création de l’institut, au milieu de la Seconde Guerre mondiale, n’est pas le fruit du hasard : l’utilisation stratégique de la neige et des avalanches faisait partie de la stratégie de défense militaire. Aujourd’hui, la Suisse est un leader mondial dans la recherche sur la neige et les avalanches.
Prévention des avalanches à l’ère du numérique
Les connaissances acquises dans le domaine de la gestion du danger d’avalanches ne profitent pas uniquement à la population de montagne, au tourisme et à l’armée. Les amateurs de sports de montagne s’en servent également lorsqu’ils se rendent en montagne en hiver. Au cours des dernières années, la prévention des avalanches dans les sports de montagne a beaucoup évolué grâce à la numérisation. Il est devenu quasiment impensable de partir en ski de rando sans son smartphone. Sur les cartes numériques, un code de couleur est utilisé pour indiquer la déclivité, ce qui permet d’identifier rapidement et facilement de petites pentes raides. Par ailleurs, les cartes numériques peuvent être agrandies, et le GPS permet de se localiser sur une carte, même sans réseau. Ces technologies facilitent l’orientation en montagne et améliorent la prévention des avalanches. Il existe même des applications qui indiquent directement le risque que présente une pente. Stephan Harvey, expert en avalanches au SLF, met toutefois en garde : « Les cartes numériques peuvent certes aider à évaluer le risque dans une pente, mais elles ne suffisent pas. Une évaluation sérieuse et locale des conditions de neige et de la situation avalancheuse sur place est indispensable. » En outre, les smartphones présentent d’autres dangers, notamment une batterie faible ou la perturbation des champs électromagnétiques du DVA (détecteur de victimes d’avalanches).
Les derniers développements dans la prévention des avalanches révèlent que la gestion du danger d’avalanches constitue un apprentissage permanent. Il en résulte des traditions culturelles – lesquelles concernent également les sports de montagne.
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Photo : construction de murs de pierre dans la zone de décrochement du Kistenlaui à Kandersteg (OFOR Berne)
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Bon à savoir :
- Jusqu’au 21 avril 2019, l’exposition « Le péril blanc. Gestion des avalanches en Suisse » sera présentée au Musée alpin de Berne un aperçu créatif des traditions suisses en matière de prévention des avalanches
- Bulletin d’avalanches du SLF
- Cours sur les avalanches avec Bächli On Tour
- Conseils pour la planification numérique de courses avec l’école d’alpinisme bergpunkt
- Plateforme Skitourenguru
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