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La constance, c'est le changement

Thomas Ebert, mardi, 26. mai 2020

Une entreprise familiale de septième génération se gère toute seule, non ? En tout cas pas chez Schöffel, qui ne cesse d’évoluer afin de proposer des équipements outdoor et des skis toujours à la pointe.

Une entreprise familiale de septième génération se gère toute seule, non ? En tout cas pas chez Schöffel, qui ne cesse d’évoluer afin de proposer des équipements outdoor et des skis toujours à la pointe.

Nous sommes en 1804. Friedrich Schiller vient d’achever son « Guillaume Tell », sans même s’être rendu en Suisse. À Schwabmünchen, en Bavière, Georg Schöffel obtient une licence pour commercialiser des chaussettes. Cinq ans plus tard, son fils Josef sauve la vie du prince héritier dans la bataille d’Abensberg et reçoit une rente viagère en guise de remerciement. La jeune entreprise Schöffel peut donc démarrer sur une base solide. Durant un siècle et demi, elle commercialise des articles tricotés. Cependant, lorsque Ludwig Schöffel ne revient pas de la Seconde Guerre mondiale, des changements s’imposent. Hubert Schöffel, alpiniste passionné né en 1930, fait prendre à l’entreprise un virage à 180 degrés. En 1961, il rachète une vieille fabrique de pantalons en cuir. Pour la première fois dans l’histoire de l’entreprise, on ne se contente plus de vendre de la marchandise ; on la fabrique également. Toutefois, les ventes des pantalons de rue démarrent lentement et Schöffel doit même décréter un chômage partiel. En parallèle, le miracle économique commence à faire effet : la semaine de cinq jours s’impose, les week-ends appartiennent désormais aux familles et la randonnée se démocratise. Hubert Schöffel reconnaît les signes de cette nouvelle tendance et mise, dès 1967, entièrement sur les vêtements outdoor – lesquels ne portaient pas encore ce nom à l’époque – : un pantalon de randonnée à taille élastique, un anorak qui fait fureur parmi les étudiants munichois et, finalement, dans les années 1980, la première veste Gore-Tex. Hubert Schöffel est le premier fabricant allemand à miser sur ce laminé coupe-vent, imperméable et respirant. Sans avoir enregistré la moindre commande, il se fait livrer du matériel pour 24 000 vestes et son audace fait mouche. Les jalons pour l’équipement de sports de montagne sont posés et les derniers clous sont enfoncés dans le domaine des pantalons en cuir, des vestes en laine et des mi-bas.

Tradition oblige

Bien qu’il soit difficile de faire tenir vingt décennies de l’histoire d’une entreprise sur quelques lignes, l’histoire de Schöffel peut facilement être résumée ainsi : une entreprise familiale de septième génération n’est pas un train qu’on met sur des rails pour le laisser suivre son cours. Si on ne vit pas avec son temps, on meurt à petit feu. Lorsqu’on visite le siège de l’entreprise à Schwabmünchen, à l’étage de la direction, à côté de l’impressionnante collection d’art d’Hubert Schöffel, on tombe sur un ancien entrepôt. Celui-ci a été entièrement disloqué en 2015 afin d’être transformé en centre de création de type loft. Car, à l’instar de la plupart des grands fabricants de textiles, Schöffel a déplacé quasiment toute sa production en Asie. Des quelque 180 postes de couturières de l’époque, il ne reste à présent qu’une vingtaine d’emplois dans la réparation et la réalisation de prototypes. Mesurant 600 mètres carrés, très lumineux et doté de hauts plafonds, ainsi que de salles de réunion en verre, le nouveau « Development Center » incite à la création. Les murs sont couverts d’échantillons de tissus, de moodboards et d’ébauches de collections. Assis aux 30 tables de bureau, des analystes de marché et des concepteurs de produits interagissent directement. Selon Henrik Vogel, manager de l’innovation, c’est pour cette raison précise que l’« épicentre » de l’entreprise se trouve là. Ce docteur en économie d’entreprise de 39 ans, également secouriste en montagne, a joué un rôle essentiel, avec le CEO de Schöffel Suisse, Peter Jud (voir interview p. 62), dans l’éclosion de la toute dernière création de l’entreprise : une ligne de vêtements pour les skieurs de randonnée, développée pour l’hiver 2019. Dans l’univers des produits Schöffel, répartis à l’interne en domaines, segments et capsules, la collection de skis de randonnée fait office de « capsule phare », selon Karin Lörch, en charge des relations publiques. Les décennies d’expérience que compte Schöffel pour les vêtements de ski s’exportent en dehors des pistes. L’hiver prochain, une collection allmountain devrait voir le jour.

Parce que l’époque où Schöffel se concentrait sur les 40 – 60 ans constituant un groupe cible au fort pouvoir d’achat (comme l’affirmait, fin 2017, Peter Schöffel dans une interview) est révolue. Au cours des dernières années, les campagnes et produits ont connu un « net rajeunissement », explique Katrin Lörch. Les groupes cibles ne sont généralement plus classés en fonction de l’âge : « Aujourd’hui, jeunes et moins jeunes se rencontrent pour partager leur passion du grand air. » précise Lörch. Les lookbooks de Schöffel font la part belle aux visages juvéniles, et, depuis trois ans, la marque vend une collection « outleisure », soient des vêtements de loisirs à la fois modernes et fonctionnels. De plus, comme dans les années 1980 lorsqu’on commençait tout juste à miser sur Gore-Tex, Schöffel reste aussi dans la course sur le plan technique. Isolation Primaloft Next Evolve, fibres S.Café en polyester et marc de café aux propriétés anti-odeurs : toute la palette des tendances textiles actuelles se trouve dans les nouvelles collections. Naturellement, une telle cure de rajeunissement et de nouvelles collections présentent le risque de se disperser. Entre les spots télévisés de la marque, dont le slogan « Je suis sorti » cible notamment l’envie de nature des couches urbaines de la population, et son engagement de longue date en tant qu’équipementier de différentes équipes nationales de ski, les possibilités d’image sont nombreuses. Pour Lörch, le champ dépasse la performance : « Nous ne sommes pas le type de fournisseurs dont la devise se résume à dire ‹ plus haut, plus vite, plus loin ›. Le temps que mettent nos clients pour gravir les montagnes nous est égal. ». Elle ajoute, avec un sourire : « La chemise à carreaux ne disparaîtra jamais totalement chez Schöffel. »

« 10 % de Silicon Valley en plus », c’est le souhait qu’a émis Peter, le fils d’Hubert Schöffel, lors de l’anniversaire de la marque, en 2017. Celui-ci gère la destinée de l’entreprise depuis 30 ans. Il a créé, en une année, le poste de manager de l’innovation et a repourvu les postes de direction des départements de développement de produits, de marketing et de distribution. « Chez Schöffel, le changement est perceptible. Nous avons énormément investi dans la numérisation. », déclare Katrin Lörch.

La création avant tout 

Malgré toutes ces évolutions, la marque fait preuve de constance, sur un point précis notamment : elle demeure, à 100 %, une entreprise familiale. « Un contrat entre les générations plutôt que des rapports trimestriels », comme aime à le rappeler Peter Schöffel. Avec 200 collaborateurs et quelque 100 millions de chiffre d’affaires par année, Schöffel fait partie des plus grands fabricants de vêtements de ski et outdoor fonctionnels. L’entreprise est devancée par la marque à la patte de chien, laquelle appartient désormais à un équipementier de golf américain après avoir connu des années tumultueuses. « Ce n’est pas vendre pour vendre. La seule chose qui m’importe, c’est de préserver nos valeurs, notre tradition et le mandat intergénérationnel. Le mieux est l’ennemi du bien ; c’est l’un de mes principes. C’est aussi pour cette raison que nous ne touchons pas aux sacs à dos ou aux chaussures. », a reconnu Peter Schöffel, début 2019, dans une interview familiale avec le magazine Stern. En parlant de famille, le passage de témoin de la direction générale a déjà commencé. Johanna, la fille de Peter Schöffel, à côté de ses études, travaille aux ressources humaines et son fils Jakob, âgé de 21 ans, est déjà son successeur désigné. Nous sommes impatients de voir quels changements la huitième génération apportera.

Entretien avec Peter Jud, Country Manager Schöffel Schweiz AG

Vous faites partie de l’équipe du projet en charge de concevoir la première collection de ski de randonnée de Schöffel. Comment aborde-t-on un tel projet ?
Nous avons mené une grande enquête auprès des clients et avons réalisé que beaucoup de gens nous considèrent comme une marque de skis de randonnée. Pourtant, nous n’avions jusqu’alors jamais produit de vêtements dédiés à cet effet. Peter Schöffel a formé une petite équipe et nous a dit : « Hey, avez-vous envie de développer ensemble une collection de skis de rando ? » Tous les membres de cette équipe dynamique sont euxmêmes randonneurs. Avant le brainstorming, nous avons bivouaqué ensemble en montagne avec nos vêtements préférés. Cette expérience a développé une toute nouvelle dynamique : comment peut-on porter un DVA sans que celui-ci ne soit gênant ? Comment un pantalon s’adapte-t-il avec des boucles de chaussures ouvertes ? Quelle astuce trouver pour que les manches ne remontent pas sans cesse lorsqu’on marche ? Pourquoi n’existe-t-il quasiment pas de couches intermédiaires qu’on peut fermer jusqu’au nez tout en pouvant respirer ? Nous avons créé une collection en nous basant sur nos propres expériences. Cette collection n’est donc pas dédiée aux athlète de pointe, mais aux gens comme vous et moi.

Pourquoi cette collection n’a-t-elle pas été conçue plus tôt ?
Ce sport est en progression depuis longtemps. Je crois que c’était le bon moment. Nous ne concevons pas le ski de randonnée comme un sport tendance. C’est une discipline bien établie, et à Davos, où j’habite, il s’agit d’une activité qu’on pratique toute sa vie. Nous n’avons pas déve-loppé cette collection parce que le ski de randonnée est en plein essor. Nous avons découvert que certaines personnes pratiquent ce sport avec des vestes conçues pour le trekking et le hiking. Cela ne nous pose pas de problème, mais nous voulions concevoir un équipement de ski de rando spécifique, qui offre toutes les fonctionnalités nécessaires.

La période où l’entreprise se concentrait sur une clientèle âgée de 40 à 60 ans – comme Peter Schöffel l’a souvent affirmé – est donc révolue ?
Je suis né en 1968. Je ne pourrais et ne voudrais pas participer aux Jeux olympiques. Mais j’ai encore du jus et je veux transpirer. Mon beau-père a 80 ans et c’est un super skieur de randonnée. Mais il ne va tout de même pas faire du sport avec de vieilles fripes ! On ne peut plus classer les groupes d’utilisateurs en fonction de leur âge. Je comprends ce que Peter Schöffel veut dire, mais nous voulons fabriquer des vêtements fonctionnels et adaptés, au look attrayant. D’après moi, cela n’a rien à voir avec l’âge. 

Selon vous, qu’est-ce qui caractérise Bächli Sports de Montagne ?
Bächli est l'un des distributeurs de plein air en Europe. Bien que votre assortiment soit immense, il est très axé sur les sports de montagne. Bächli est aussi un promoteur de l’innovation. On ne le voit pas seulement à la boutique en ligne. Les collaborateurs disposent de vastes connaissances et savent exactement ce qui est adapté. Comme Schöffel, Bächli est une entreprise familiale ; on retrouve certains parallèles. Nous ne sommes pas des bureaucrates, mais concevons nous-mêmes ce que nous vendons. Il ne s’agit pas de savoir bien skier, mais d’avoir du plaisir à faire du ski de rando. Si nous parvenons à faire passer ce message, nous pouvons vendre des vêtements avec succès.

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